PREMIERES RENCONTRES
En quittant le parc de la marina ultra
sécurisé, un boulevard d'un bon kilomètre, sans rue adjacente,
dessert le village sur toute sa longueur. Les champs Elysées la
veille du 14 Juillet ! peu de passant, pas un véhicule et sans
commerce à l'horizon. C'est surprenant, nous restons là, interdits,
ne sachant où aller, à regarder ces petites maisons modestes
collées les unes aux autres, parfois surmontées d'un étage,.
Quelques personnes sont assises ici et là sur le trottoir de gauche
et un cheval broute sur l'accotement droit. L'instinct nous porte à
gauche, le bout de la fourche du chenal. J'y avais également
remarqué deux ou trois barques, sans doute de pêcheurs, à une
encablure des vedettes des douanes. A mesure que nous avançons, les
habitants postés au pied de leur porte nous saluent en souriant et
nous déshabillent du regard. Un peu plus loin d'autres nous
interpellent le temps que l'on arrive à leur hauteur sans réellement
engager une conversation. « Comment vas-tu ? Ce sont tes
enfants ? Et lui (en montrant Titouan), tu l'as eu avec une
Cubaine ? » Habitués depuis la République Dominicaine
aux mêmes types de questions, les gars comprennent facilement sans
que j'ai à leur traduire et répondent de plus en plus sans mon
aide.
Au bout de cette artère, un chemin de
terre défoncé distribue de petites habitations sommaires faites de
briques et de brocs, couvertes pour la plupart de tôles ondulées
rouillées. On pourrait dire le bidonville d'une pauvre bourgade. Les
hommes lèvent la main en murmurant bonjour, restent en retrait par
timidité et pudeur je pense, tandis que les femmes nous assomment
rapidement d'innombrables questions sans nous laisser le temps d'y
répondre. Le chemin nous est à présent barré, on nous prend par
la main et, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, nous nous
retrouvons à l'entrée d' une bicoque d'où sortent de plus en plus
d'adultes et enfants comme des colombes du chapeau du magicien !
Mais combien sont-ils là-dedans ??! Bientôt, la voisine
arrive en portant une table ; une femme plus agée la rattrape
au trot pour l'aider et se joindre à nous, une autre ramène des
chaises de chez elle et nous voilà reçus, placés côte à côte à
la façon d' un écran de télé. Nos futurs amis se réjouissent
d'avance de voir un bon film me semble-t-il. Ils sont visiblement
ravis de nous avoir saisis ! Sans attendre leur tour, la plupart
nous demande ce que l'on veut boire, si nous avons faim, tandis que
d' autres, éclipsées un instant, reviennent changées, peignées,
les pieds chaussés de claquettes..
Les Cubains mettent un point d'honneur
à soigner leur apparence. Sans avoir souffert de la moindre
réflexion ou regard réprobateur, nous remarquerons très vite
qu'une tenue négligée est considérée comme un manque de respect à
l'égard des autres. Et moi qui m'époumonais à répéter aux gars
de ne pas montrer de signes extérieurs de richesse ! J'ai
rapidemment émis une nuance concernant l'habillement.
Nous passerons les quatre premières
après midi chez eux, avant d'y retourner après notre périple à
l'intérieur des terres. Les enfants ont trouvé de sacrés copains
et pour moi une profonde amitié va naître avec Junior, le père de
famille.
Je reviendrai sur nos longues
discussions, mais à présent, les gars et moi avons une mission :
aller voir la famille de Radis. Cubain enfui pour les Etats-Unis il y
a 6 ans, refoulé par des vents contraires peu avant d'atteindre son
but, la mer le refoulera finalement en République Dominicaine où
il vit depuis, bien tristement.
Chaque pays, aussi pauvre soit-il,
trouvera toujours une communauté plus pauvre, prête à travailler
durement à son service, quitte à être exploitée. C'est le cas par
exemple des Haitiens en Rep Dom.
Ainsi, le Cubain étant plus aisé par
sa naissance qu'un Haitien, puisque nourri de toute façon par
l'état, aura beaucoup de difficultés à s'adapter et comprendre que
son salaire ne lui serve qu'à palier à sa faim. ( et encore...)
Allez,en route ! Demain nous vous
emmenons à Holguin et Las Tunas rejoindre la famille de Radis.
Ne vous chargez pas trop, un petit sac
à dos pas plus grand qu'un cartable suffira. Prévoyez juste un
change, une bouteille d'eau congelée pour la route et quelques
cadeaux à offrir en arrivant ( savon, dentifrice, paracétamol...),
le reste, on avisera.
Alors prêts pour une nouvelle aventure
mes gars ?
Première soirée ou nous restons même diner. Au menu: poisson bien entendu ! Dès les jours suivants, la femme de Junior prend volontiers les gars sur les genoux. En plaisantant, elle tente de lui donner le sein à plusieurs reprises !
Junior au centre, pêche tout les jours sur sa barque, uniquement dans la baie. Les autorités lui renouvellent son autorisation chaque semaine. Il doit indiquer son heure de retour. Comme son fils, il rage sans colère de ne pas avoir le droit d'emmener son fils avec lui; on sait jamais...
Un enclos autour de sa barque est obligatoire. Son bateau doit être cadenassé chaque soir afin que personne ne puisse lui voler pour partir. En cas d'oublie, le bateau lui est définitivement confisqué.
Je me régale à te lire, tout en compatissant envers ces gens que vous rencontrez et qui mériteraient quand même quelque chose comme un peu plus de liberté et de bien-être. Mais tu l'as dit à ta façon, même chez les pauvres il y a des classes.
RépondreSupprimerMerci encore une fois.
Robert