dimanche 8 juin 2014

CHEZ LES PECHEURS

PREMIERES RENCONTRES


En quittant le parc de la marina ultra sécurisé, un boulevard d'un bon kilomètre, sans rue adjacente, dessert le village sur toute sa longueur. Les champs Elysées la veille du 14 Juillet ! peu de passant, pas un véhicule et sans commerce à l'horizon. C'est surprenant, nous restons là, interdits, ne sachant où aller, à regarder ces petites maisons modestes collées les unes aux autres, parfois surmontées d'un étage,. Quelques personnes sont assises ici et là sur le trottoir de gauche et un cheval broute sur l'accotement droit. L'instinct nous porte à gauche, le bout de la fourche du chenal. J'y avais également remarqué deux ou trois barques, sans doute de pêcheurs, à une encablure des vedettes des douanes. A mesure que nous avançons, les habitants postés au pied de leur porte nous saluent en souriant et nous déshabillent du regard. Un peu plus loin d'autres nous interpellent le temps que l'on arrive à leur hauteur sans réellement engager une conversation. « Comment vas-tu ? Ce sont tes enfants ? Et lui (en montrant Titouan), tu l'as eu avec une Cubaine ? » Habitués depuis la République Dominicaine aux mêmes types de questions, les gars comprennent facilement sans que j'ai à leur traduire et répondent de plus en plus sans mon aide.
Au bout de cette artère, un chemin de terre défoncé distribue de petites habitations sommaires faites de briques et de brocs, couvertes pour la plupart de tôles ondulées rouillées. On pourrait dire le bidonville d'une pauvre bourgade. Les hommes lèvent la main en murmurant bonjour, restent en retrait par timidité et pudeur je pense, tandis que les femmes nous assomment rapidement d'innombrables questions sans nous laisser le temps d'y répondre. Le chemin nous est à présent barré, on nous prend par la main et, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, nous nous retrouvons à l'entrée d' une bicoque d'où sortent de plus en plus d'adultes et enfants comme des colombes du chapeau du magicien ! Mais combien sont-ils là-dedans ??! Bientôt, la voisine arrive en portant une table ; une femme plus agée la rattrape au trot pour l'aider et se joindre à nous, une autre ramène des chaises de chez elle et nous voilà reçus, placés côte à côte à la façon d' un écran de télé. Nos futurs amis se réjouissent d'avance de voir un bon film me semble-t-il. Ils sont visiblement ravis de nous avoir saisis ! Sans attendre leur tour, la plupart nous demande ce que l'on veut boire, si nous avons faim, tandis que d' autres, éclipsées un instant, reviennent changées, peignées, les pieds chaussés de claquettes.. 
Les Cubains mettent un point d'honneur à soigner leur apparence. Sans avoir souffert de la moindre réflexion ou regard réprobateur, nous remarquerons très vite qu'une tenue négligée est considérée comme un manque de respect à l'égard des autres. Et moi qui m'époumonais à répéter aux gars de ne pas montrer de signes extérieurs de richesse ! J'ai rapidemment émis une nuance concernant l'habillement.
Nous passerons les quatre premières après midi chez eux, avant d'y retourner après notre périple à l'intérieur des terres. Les enfants ont trouvé de sacrés copains et pour moi une profonde amitié va naître avec Junior, le père de famille.
Je reviendrai sur nos longues discussions, mais à présent, les gars et moi avons une mission : aller voir la famille de Radis. Cubain enfui pour les Etats-Unis il y a 6 ans, refoulé par des vents contraires peu avant d'atteindre son but, la mer le refoulera finalement en République Dominicaine où il vit depuis, bien tristement.
Chaque pays, aussi pauvre soit-il, trouvera toujours une communauté plus pauvre, prête à travailler durement à son service, quitte à être exploitée. C'est le cas par exemple des Haitiens en Rep Dom.
Ainsi, le Cubain étant plus aisé par sa naissance qu'un Haitien, puisque nourri de toute façon par l'état, aura beaucoup de difficultés à s'adapter et comprendre que son salaire ne lui serve qu'à palier à sa faim. ( et encore...)
Allez,en route ! Demain nous vous emmenons à Holguin et Las Tunas rejoindre la famille de Radis.
Ne vous chargez pas trop, un petit sac à dos pas plus grand qu'un cartable suffira. Prévoyez juste un change, une bouteille d'eau congelée pour la route et quelques cadeaux à offrir en arrivant ( savon, dentifrice, paracétamol...), le reste, on avisera.
Alors prêts pour une nouvelle aventure mes gars ?


 Première soirée ou nous restons même diner. Au menu: poisson bien entendu ! Dès les jours suivants, la femme de Junior prend volontiers les gars sur les genoux. En plaisantant, elle tente de lui donner le sein à plusieurs reprises !
 Junior au centre, pêche tout les jours sur sa barque, uniquement dans la baie. Les autorités lui renouvellent son autorisation chaque semaine. Il doit indiquer son heure de retour. Comme son fils, il rage sans colère de ne pas avoir le droit d'emmener son fils avec lui; on sait jamais...

Un enclos autour de sa barque est obligatoire. Son bateau doit être cadenassé chaque soir afin que personne ne puisse lui voler pour partir. En cas d'oublie, le bateau lui est définitivement confisqué.

1 commentaire:

  1. Je me régale à te lire, tout en compatissant envers ces gens que vous rencontrez et qui mériteraient quand même quelque chose comme un peu plus de liberté et de bien-être. Mais tu l'as dit à ta façon, même chez les pauvres il y a des classes.
    Merci encore une fois.
    Robert

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